Le taux d’attrition est une mesure fondamentale pour toutes les entreprises, et encore plus en B2B où les paniers moyens sont généralement plus élevés. Mais il est souvent mal calculé, et mal interprété.
La formule traditionnelle qu’on nous sert à toutes les sauces du nombre de clients perdus sur une période donnée ne prend pas en compte un nombre important de facteurs. Pire, elle peut induire en erreur.
Comment calculer le taux d’attrition ? Comment l’optimiser ? Quels KPIs suivre pour améliorer votre taux de rétention ? On vous livre tout dans cet article.
Sommaire
Calcul du taux d’attrition : la formule classique
Taux de rétention VS taux d’attrition
Le taux de rétention client permet à une entreprise de mesurer la rétention client, soit le pourcentage de clients qu’elle a gardé à long terme. L’idée, c’est de pouvoir optimiser la fidélisation de ses clients.
Pour le calculer, on vous suggère notre guide super complet sur la rétention client.
On oppose souvent le TRC au taux d’attrition, ou taux de désabonnement, qui représente le pourcentage de clients qu’une entreprise a perdu sur une période donnée.
La question de l’unité du taux de rétention
Mais dans les faits, la rétention client se mesure aussi à l’aide du taux d’attrition. Il n’y a pas véritablement d’unité du taux de rétention, et vous pouvez calculer votre rétention client avec ces différentes métriques :
- Le taux de rétention clients, dont on vous détaille la formule dans notre guide sur la rétention client. Le taux de rétention est toujours >1.
- Le taux de rétention des licences, qui peut être négatif, même pour une entreprise qui se porte bien.
- Enfin, et on entre dans le vif du sujet, le taux d’attrition, qui contrairement au TRC peut être négatif.
Aller plus loin
On ne peut que vous recommander notre guide complet sur la rétention client.
Le problème avec le mode de calcul classique du taux d’attrition
C’est un peu complexe mais il est important d’analyser le mode de calcul classique du taux d’attrition qui n’est pas toujours pertinent car il part d’une hypothèse fausse et va orienter vos efforts vers de mauvaises solutions.
Une hypothèse fondamentalement fausse …
Le calcul du taux de désabonnement suppose qu’un client a toujours la même probabilité de partir à tout moment, quelle que soit la durée de son abonnement. C’est très souvent faux. D’ailleurs, avoir une probabilité de désabonnement constante dans le temps implique que vous n’aurez plus aucun client à long terme.
Si la probabilité de désabonnement d’un client est constante dans le temps, cela implique que la durée de vie des clients se modélise par une distribution géométrique.
Si vous avez un taux de résiliation constant de c par mois, la probabilité qu’un client reste abonné pendant n mois est (1-c)^n : C’est la distribution géométrique. Si les clients peuvent quitter l’abonnement à tout moment, nous sommes en temps continu et il faut utiliser l’analogue en temps continu: la distribution exponentielle.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est très peu probable qu’un client qui vient de le devenir ait la même probabilité de résilier qu’un client qui est client depuis 3 ans. Et heureusement, sinon vos clients auraient des durées de vie très courtes.
Le mode de calcul classique du taux d’attrition ignore complètement ce fait, et suppose une probabilité constante dans le temps, ce qui peut causer des erreurs assez graves.
… qui cause des chiffres trompeurs
Il faut maintenant comprendre pourquoi une modélisation correcte est importante : pour cela, on prend deux exemples d’une entreprise qui va mal et d’une entreprise qui connaît une forte croissance pour voir ce que disent leurs taux d’attrition lorsqu’ils sont mal calculés.
Gardez à l’esprit que dans chacun des exemples ci-dessous, nous simulons des durées de vie à partir de la même distribution des durées de vie des clients, et que cette distribution ne change pas au fil du temps.
Exemple : une entreprise qui se porte très mal et où le nombre de nouvelles inscriptions par jour diminue d’une unité par jour. Comment cela va-t-il se répercuter sur le taux de désabonnement ?
Avec une activité en baisse, le taux de résiliation semble s’améliorer car les abonnements sont de moins en moins nombreux et de plus en plus anciens.
Il s’agit clairement d’une entreprise en mauvaise passe, mais si on étudie le taux d’attrition, il semble excellent ! Le taux d’attrition par jour est en baisse constante, même si nous savons que la durée de vie des clients ne change pas dans notre modèle.
Cette forte baisse du taux de résiliation est simplement la conséquence du fait que l’entreprise n’obtient pas de nouveaux clients.
En plus, comme elle ne se développe pas, une grande partie de ses clients est là depuis longtemps et est donc moins susceptible de se désabonner, ce qui signifie que notre taux d’attrition diminue plus qu’il ne le ferait autrement.
Ce changement au niveau de la population se produit bien qu’il n’y ait aucun changement dans la durée de vie des clients individuels sous-jacents.
Deuxième exemple : le scénario d’une entreprise qui connaît une phase d’hyper croissance. La durée de vie de ses clients reste identique, mais le nombre de nouvelles inscriptions par jour augmente de façon linéaire.
Avec une activité en croissance, le taux de résiliation semble ne pas changer, uniquement parce que la plupart des abonnements sont nouveaux.
Même si la durée de vie des clients reste inchangée, le graphique du taux d’attrition est plat. Un investisseur froncerait les sourcils et dirait que l’entreprise ne fait rien pour améliorer son taux de rétention.
En réalité, la seule raison pour laquelle le graphique semble “mauvais” n’a rien à voir avec le taux de désabonnement, c’est parce que nous réussissons incroyablement bien à obtenir de nouvelles inscriptions.
Se baser sur cette mesure pour l’entreprise laisse entendre que le taux de rétention est stable, voire en décroissance tout simplement parce qu’il est pollué par la distribution inégale de l’acquisition de clients dans le temps.
En bref
Le point clé à retenir c’est que ce mode de calcul permet uniquement d’estimer l’âge moyen des clients, qui n’est pas du tout représentatif de la santé d’une entreprise si la distribution des dates d’acquisition de clients n’est pas constante. La croissance ou la décroissance du volume de clients acquis sur une période a un impact sur la mesure de la durée de vie des clients de la période suivante, alors que ce sont deux éléments qui devraient être indépendants.
Aller plus loin
Si vous souhaitez une petite mise au point sur les différentes métriques à calculer pour optimiser vos ventes, on vous suggère :
- De calculer votre coût d’acquisition client (CAC).
- De calculer votre coût par lead (CPL).
Les méthodes ajustées de calcul du taux de rétention
Dans l’idéal, il faudrait faire des vraies stats pour déterminer la probabilité à n’importe quel instant que chacun de vos clients vous quitte pour un concurrent.
Dans la vraie vie, à moins d’avoir énormément de clients, c’est impossible. Et même avec énormément de clients, vous ne pourrez pas segmenter – ce qui est fondamental pour optimiser vos taux de rétention et rendre le calcul utile.
En pratique on utilise donc des méthodes de calcul qui permettent de limiter la marge d’erreur :
1. Le taux d’attrition ajusté
Pour ajuster le taux d’attrition et ainsi tenir compte d’une croissance mensuelle significative, on peut commencer par prendre le point médian du nombre de clients pour le mois, plutôt que d’utiliser sa valeur au 1er du mois.
Ici, on divise le nombre de clients résiliés par une moyenne ajustée du nombre de clients sur toute la période étudiée pour lisser l’effet de l’acquisition sur le temps de l’étude.
Avantages et inconvénients :
- Cette approche permet de traiter le problème de la croissance en normalisant les changements du nombre total de clients sur la période de temps. Vous disposez maintenant d’une plateforme plus stable sur laquelle baser votre taux de désabonnement, la fenêtre temporelle pour le nombre total de clients étant la même que celle pour le désabonnement.
- Cependant, bien que cette approche du calcul du taux de désabonnement traite le problème de la croissance, elle ne parvient pas à s’adapter à différentes fenêtres temporelles. En utilisant le même calcul et les mêmes données, vous obtiendrez des réponses très différentes pour un taux de désabonnement quotidien, hebdomadaire, mensuel et trimestriel.
Exemple : prenons par exemple les chiffres d’une entreprise Saas B2B imaginaire comme ceux du tableau ci-dessous.
Même avec un nombre de clients différent au début de chaque mois, on obtient les taux de résiliation suivants :
- Août : 625 / 12,187.5 = 0.0513
- Septembre : 844 / 16,453 = 0.0513
- Octobre : 1052 / 20,505 = 0.0513
- Sur le trimestre : 2521 / 16,239.5 = 0.1552
Le principal problème de cette approche du calcul du taux de désabonnement est qu’elle fait des hypothèses sur les données. Si vous calculez cela sur 3 mois, vous obtenez un taux de résiliation de 15,52%. Divisez ce chiffre sur les 3 mois, et vous obtenez 5,17%, ce qui est très proche des taux de résiliation mensuels des clients individuels. Jusqu’ici, tout va bien.
Mais que se passe-t-il si vous n’avez pas exactement les mêmes chiffres pour chaque mois ? Faisons du mois d’août un mauvais mois pour notre entreprise SaaS B2B imaginaire. Cette fois, elle n’obtient que 100 nouveaux clients, dont 2 se désabonnent.
Le comportement est le même en termes de désabonnement (5 % des clients existants et ~2,5 % des nouveaux clients), et lorsqu’il est calculé individuellement, chaque mois affiche le même taux de désabonnement de 5,13 %.
Mais quand il est calculé par trimestre, on obtient un taux de désabonnement sur 3 mois de 13,72%, qui, lorsqu’il est divisé sur chaque mois, est de 4,57%.
- Août : 502 / 9799 = 0.0513
- Septembre : 605 / 11 795,5 = 0,0513
- Octobre : 825 / 16,080.5 = 0.0513
- Trimestre : 1932 / 14 084 = 0,1371
Maintenant, les taux d’attrition mensuels ne correspondent plus au taux d’attrition trimestriel, même s’ils utilisent exactement les mêmes données.
En bref
Le churn n’est jamais aussi utile. Un bon taux de churn devrait s’étendre ou se contracter avec la durée de la période qu’il mesure, tout en fournissant des résultats comparables.
2. Le calcul d’attrition par cohortes
Il existe deux types de cohortes : les cohortes comportementales et les cohortes d’acquisition.
Les cohortes comportementales sont regroupées par actions spécifiques que les utilisateurs effectuent dans votre produit. Elles permettent de définir un comportement spécifique bien sûr, mais aussi une période de temps (durant laquelle s’applique ce comportement).
Elles sont utiles pour comprendre les comportements des utilisateurs vis-à-vis de votre produit, mais pour analyser le taux d’attrition, on s’intéresse avant tout aux cohortes d’acquisition.
Les cohortes d’acquisition sont basées sur le moment où un utilisateur s’inscrit à votre produit (tout simplement, les personnes inscrites en février par exemple font partie de la même cohorte).
Les cohortes d’acquisition peuvent vous aider à déterminer la LTV des clients, le temps moyen de désabonnement et d’autres informations relatives à la rétention.
Pour éviter le biais de l’acquisition sur la mesure du churn, on peut tout simplement fixer l’acquisition et étudier des cohortes par période d’acquisition pour regarder comment elles évoluent avec le temps.
Tous les mois, on regarde toutes les cohortes acquises en M-1, M-2, M-3, … jusqu’à M-12 en général.
Avantages et inconvénients :
- Le gros avantage, c’est que ça vous donne un moyen relativement simple de calculer le taux d’attrition tous les mois. Pour le coup la méthode de calcul présentée initialement fonctionne.
- Le gros inconvénient, c’est que ça fait beaucoup de chiffres à suivre au lieu d’un seul KPI magique.
C’est aussi plus proche de la réalité opérationnelle, car c’est assez compliqué de mesurer l’impact de petites actions sur un gros KPI global. Avec des cohortes, on sent assez rapidement ce qui a un impact sur la rétention.
Attention
Chaque cohorte peut être très différente pour tout un tas de raisons. Vous serez toujours tenté de l’attribuer à des actions que vous avez effectuées (évolutions de l’offre, du prix, etc.) mais attention à bien penser aussi aux facteurs exogènes. Par exemple : sur ou sous investissement d’un concurrent sur un mois donné, saisonnalité, actualité, …
Aller plus loin
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Les KPIs à suivre pour améliorer votre taux de rétention
1. Le score NPS
Le Net Promoter Score est un indicateur de la satisfaction générale et de la fidélité à une marque. En calculant votre NPS global, vous savez si vos consommateurs sont satisfaits de vos produits ou services et prêts à les recommander à d’autres.
Créé par Bain & Co, le NPS a dépassé le stade de la simple mesure et est désormais utilisé comme système à l’échelle de l’entreprise pour favoriser l’orientation client. Il permet d’estimer la croissance potentielle grâce à la fidélisation des clients et aux recommandations en comparant votre score au taux de croissance de votre chiffre d’affaires et au taux d’attrition des clients.
Contrairement à la plupart des mesures, le NPS est calculé à partir d’une question courante dans les enquêtes auprès des clients : “Quelle est la probabilité que vous recommandiez notre entreprise à un ami ou un collègue ?”
Les clients sont invités à évaluer la probabilité qu’ils recommandent votre entreprise à leur famille et à leurs amis sur une échelle de 0 à 11. Les clients sont répartis en trois catégories en fonction des notes qu’ils donnent :
- Promoteurs : 9-10
- Passifs : 7-8
- Détracteurs : 0-6
Une fois les scores des clients enregistrés, utilisez cette formule pour déterminer votre NPS :
Net Promoter Score = %Promoteurs – %Détracteurs
2. Le taux de répétition
Le taux de répétition, ou taux de réachat, est le pourcentage de clients qui achètent de manière répétée d’autres produits et services à votre entreprise, soit un bon indicateur de la fidélité de vos clients.
Une application utile de cette mesure consiste à saisir des données pour différentes catégories démographiques de clients. Les résultats peuvent vous aider à affiner les personas clients et à améliorer le marketing vers ces publics cibles.
Le taux de répétition peut être calculé pour n’importe quelle période, ce qui le rend utile pour examiner de petites fenêtres de temps ou une vue d’ensemble. Pour déterminer votre taux de réachat, utilisez cette formule :
Ratio d’achats répétés = Nombre de clients qui reviennent / Nombre de clients totaux
3. Le revenu généré par chaque cohorte (d’acquisition)
La connaissance du revenu généré par chaque cohorte d’acquisition est essentielle pour votre entreprise.
- S’il est en hausse, cela montre que vos équipes et vos campagnes ont du succès et que vos clients retirent une valeur significative de votre entreprise.
- S’il stagne, cela signifie que vous devez consacrer plus d’argent et d’efforts à la fidélisation des clients et à l’account-based marketing.
- Si le chiffre est en baisse, votre entreprise peut être en difficulté – vous devez donc trouver ce qui ne va pas et le réparer, rapidement.
Pour calculer le taux de croissance du revenu de vos clients existants, vous devez connaître le revenu mensuel récurrent (MRR) de vos clients existants, sans inclure les nouvelles ventes. La formule est la suivante :
Taux de croissance du chiffre d’affaires des clients existants = (RMR à la fin du mois – RMR au début du mois) / RMR au début du mois.
3. Le “payback”
Enfin, vous pouvez calculer le délai de récupération du CAC et la dette. La dette prend de nombreuses formes au sein d’une entreprise. Il peut s’agir d’une obligation ou d’un prêt bancaire traditionnel à long terme. En général, il y a un solde principal que vous remboursez au fil du temps, ainsi qu’un certain type d’intérêts.
Mais on peut aussi imaginer que les coûts d’acquisition des clients (CAC) sont une autre forme de dette d’entreprise avec une petite particularité : vous avez un solde ou un montant principal, le montant dépensé pour acquérir un nouveau client, et un composant d’intérêt. Dans ce cas, les intérêts représentent le coût d’opportunité des sommes immobilisées dans les CAC qui auraient pu être dépensées ailleurs (par exemple, pour un nouveau produit).
C’est une métrique à laquelle on prête peu d’attention alors qu’elle est hyper structurante pour une entreprise dans un contexte de forte croissance.
Pour la calculer de façon pertinente, il faut pour cela projeter le revenu existant d’une cohorte, ce qui peut poser problème puisque cela suppose un taux d’attrition connu. Sauf que vous ne le connaissez pas justement parce que vous travaillez dessus (vous cherchez à le faire baisser).
Dans la pratique, vous pouvez utiliser deux ou trois approximations en fonction de votre courbe de churn. Dans le SaaS par exemple :
- Le taux d’attrition est généralement très élevé au début de la relation client (onboarding).
- Il se stabilise ensuite beaucoup plus bas (heureusement) autour de 3-5% à partir du 3e ou du 4e mois.
- L’autre point clé est généralement le 13e mois où il augmente démesurément du fait des non renouvellements annuels, et du cycle d’achat sensiblement différent (le taux d’attrition étant de fait de zéro sur ces abonnements le reste du temps).
Pour projeter le revenu de chaque cohorte dans le futur, il faut vraiment prendre en compte ces hypothèses structurantes et rétroactivement valider les hypothèses prises pour chaque cohorte.
Par exemple, lors du reporting de Mars 2022, on valide le taux de rétention de la cohorte de Décembre 2021, et de Mars 2021 et on ajuste au besoin l’hypothèse sur les mois suivants.
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